Depuis des jours, des semaines, des mois, Les CDF dénoncent auprès de l’Assurance maladie obligatoire les dysfonctionnements du dispositif d’avance de frais de l’EBD géré par l’Inter-AMC. Début septembre, ils ont décidé d’adresser une lettre invitant les praticiens à revenir à une facturation en 100 % AMO, seule solution pour sauver l’EBD. Mais de nombreuses questions demeurent face aux pressions reçues… Pierre-Olivier Donnat, président des CDF et Marc Sabek, 1er vice président y répondent.
Certains chirurgiens-dentistes ont reçu des courriels de leurs CPAM de rattachement les informant que l’EBD fonctionne parfaitement. Vous recevez quotidiennement les sollicitations des praticiens à CDF-Services, est-ce que le dispositif fonctionne vraiment et les difficultés du démarrage sont-elles aplanies ?
La réponse de Pierre-Olivier Donnat
Après six mois durant lesquels, par un déni de l’échec, il a été tenté de nous faire croire que la dispense d’avance de frais sur l’EBD fonctionnait parfaitement, les caisses d’assurance maladie reconnaissent implicitement que le dispositif choisi, avec deux tiers payants, est entaché de nombreux dysfonctionnements. En juillet dernier, selon un récent article de presse, le directeur de l’Uncam aurait même menacé les complémentaires santé de revenir au dispositif antérieur qui prévalait avant le 1er avril 2025 : celui du payeur unique AMO que Les CDF n’ont jamais cessé d’exiger.
Mais les informations portées par les CPAM sont pour le moins trompeuses, démontrant une méconnaissance du sujet et des réalités du cabinet dentaire dans la facturation de cet examen de prévention ainsi que des soins complémentaires et consécutifs.
Non, tous les logiciels ne permettent pas aujourd’hui de facturer un EBD ou des soins associés, dans tous les cas de tiers payants et avec toutes les complémentaires.
Non, le dispositif de double tiers payant AMO-AMC n’est pas fiable et de très nombreux praticiens font état de multiples problèmes de paiement de la part d’AMC correspondant au ticket modérateur (40 %).
Non, les modalités de cette dispense d’avance de frais à double payeur n’ont jamais été inscrites dans le texte de la convention ou celui de la loi.
Non, les chirurgiens-dentistes ne peuvent être écartelés entre leurs obligations déontologiques et leurs droits garantis par la loi et la convention. Ils sont appelés à poursuivre leur mission de prévention auprès des 3-24 ans et à obtenir le paiement de l’intégralité de leurs honoraires.
Les CDF recommandent donc de facturer cet examen bucco-dentaire ainsi que les éventuels soins associés en 100 % AMO avec une exonération du ticket modérateur (EXO TM de type EXO ou EXO/prévention)
Des praticiens sont contactés par téléphone, avec parfois des injonctions sur un ton peu aimable pour les obliger à signer le contrat inter-AMC. Or, Les CDF recommandent à tous les praticiens de surseoir à l’utilisation de ce dispositif… Quelles explications leur apportez-vous ?
La réponse de Pierre-Olivier Donnat
Nous avons dénoncé le contrat proposé à la profession par l’association 1901 dénommée « Inter-AMC » pour de multiples raisons. En premier lieu, le dispositif inter-AMC multiplie les impasses techniques et administratives telles que l’impossibilité de vérifier les droits complémentaires, les rejets injustifiés de facturations, les demandes de remboursement égarées ou non traitées, les cartes d’adhérents inexploitables ou encore les procédures de réclamation inadaptées ou impossibles.
La vérification des droits du patient, pour le régime complémentaire, constitue en elle-même une monstruosité administrative, avec les cartes comportant un QR code illisible, et dont il faut saisir les numéros à la main. Résultat : des impayés en pagaille avec des dizaines et des dizaines de complémentaires qui ne répondent pas aux relances, chacune ayant son mode de fonctionnement, qui se résume souvent au « on vous rappellera »… Le coût pour le cabinet libéral du traitement administratif de cette usine à gaz est exorbitant !
En second lieu, et plus fondamentalement, l’association Inter-AMC impose un contrat pour lequel elle n’accepte aucune responsabilité dans son exécution. Du jamais vu ! Chaque complémentaire gérant à sa guise la dispense d’avance de frais. Il y a celles qui paient dans des délais raisonnables, celles qui mettent des semaines à trouver les références de certains patients, celles qui ne répondent jamais aux relances ou aux réclamations, celles qui exigent la signature d’un autre contrat spécifique, etc.
Au final, il n’existe pas de garantie de paiement, alors même que la loi a posé ce principe : pas de tiers payant sans garantie de paiement dans les délais prévus par le Code de la Sécurité sociale !
Quelle doit-être l’attitude des chirurgiens-dentistes dans ce cas ?
La réponse de Marc Sabek
À la lecture exhaustive des textes qui organisent nos relations avec l’Assurance maladie concernant l’EBD, on ne peut relever aucune obligation à signer un contrat avec un organisme privé, unique (l’Inter-AMC), et pour une fraction du tiers payant.
Si les CPAM venaient à exercer une quelconque pression sur les praticiens pour qu’ils signent un contrat avec l’Inter-AMC, chaque chirurgien-dentiste devra leur rappeler qu’aucune règle n’a prévu de les obliger à signer avec cet organisme pour recevoir les honoraires de leur travail médical ! Il peut même ajouter que la liberté contractuelle est garantie par la Constitution, ainsi que le Conseil constitutionnel (n° 2013-672 DC du 13 juin 2013) l’a régulièrement affirmé en annulant des dispositions législatives qui recommandaient un contractant prédéterminé et un contenu contractuel prédéfini.
Que serait alors le cas de cette association Inter-AMC qui n’existe nulle part, ni dans la convention dentaire ni dans la loi ? Il n’y a aucune existence légale ni réglementaire à ce contrat, et toute pression ou tout chantage pour obtenir une signature avec
Peut-on donc conclure qu’aucun chirurgien-dentiste n’est obligé de signer ce contrat inter-AMC ?
La réponse de Marc Sabek
Absolument ! Répétons-le : aucune disposition légale ni réglementaire n’autorise l’Assurance maladie à renvoyer les praticiens vers un opérateur privé unique – donc monopolistique – pour la mise en oeuvre de leur obligation légale. Ni la loi ni la convention ne font la moindre référence quant à l’intervention d’organismes privés comme Inter-AMC pour la gestion du tiers payant sur la part complémentaire. Il n’y a aucun fondement à une quelconque obligation de passer par un tel intermédiaire.
Le principe de la liberté contractuelle permet aux chirurgiens-dentistes de refuser d’adhérer à ce contrat de droit privé.
L’exécution d’un EBD 2.0 ne peut se faire qu’avec les garanties de paiement que la loi accorde au chirurgien-dentiste, avec un payeur unique, l’Assurance maladie, comme pour les patients C2S.
Comment faire bénéficier les patients du tiers payant ?
La réponse de Marc Sabek
La loi prévoit la dispense d’avance de frais pour les actes de prévention. Mais elle ne dit pas à qui elle confie cette réalisation de la dispense d’avance de frais. Implicitement, cela veut dire nécessairement que c’est l’Assurance maladie obligatoire. D’autant que la loi a prévu une garantie de paiement pour les honoraires du chirurgien-dentiste et seule l’AMO est en mesure de l’assurer !
Nous sommes plutôt dans le cadre de l’article L.161-36-2 du Code de la Sécurité sociale qui dispose que : « Les organismes d’Assurance maladie sont habilités, dans le cadre du tiers payant, à verser au professionnel ou à l’établissement de santé la part des dépenses prise en charge par l’Assurance maladie obligatoire ainsi que, le cas échéant, lorsqu’ils ont reçu délégation de gestion, celle prise en charge par l’organisme servant les prestations d’Assurance complémentaire de santé de l’assuré. »
Ici, la délégation de gestion est déduite de l’absence d’autre acteur auquel la loi confie la dispense d’avance de frais.
À quoi toutes les négociations sur le sujet du tiers payant ont-elles servi ?
La réponse de Pierre-Olivier Donnat
Présentée initialement comme une solution incontournable, fiable et éprouvée, le dispositif technique inter-AMC et surtout le contrat proposé aux praticiens par cette association n’ont été dévoilés aux syndicats signataires de la convention que très tardivement en 2024.
En dépit des avertissements sans cesse réitérés des CDF sur l’inopérabilité de ce dispositif dans les cabinets libéraux – écueils techniques recensés et largement documentés auprès de l’AMO et des AMC par les éditeurs de logiciels, absence complète de l’indispensable phase de test ou d’essai préalable –, le dispositif a été lancé avec une légèreté qui frise l’inconscience par l’Inter-AMC.
Notre conclusion, après un test grandeur nature de six mois, quoi qu’en disent les caisses et l’AMC, est sans appel : c’est un échec irrémédiable, engendrant un transfert de charge administrative insupportable et une destruction de temps médical inacceptable.
Par conséquent, la seule solution légale conforme au Code de la Sécurité sociale, pour assurer SIMULTANÉMENT l’accès aux soins et la politique de prévention avec la garantie de paiement prévue par la loi, c’est le tiers payant AMO 100 %.
Que faire si une CPAM refuse d’assumer l’intégralité du tiers payant légal pour les EBD et ne rembourse que 60 % au motif que le patient dispose d’une assurance complémentaire ?
La réponse de Pierre-Olivier Donnat
Dans ce cas, le praticien est dans son droit de refuser la réalisation d’actes pour lesquels la garantie légale de ses honoraires n’est pas assurée. À la place de l’EBD, nous réaliserons des consultations de prévention et l’ensemble des soins consécutifs en dehors de tout dispositif de tiers payant …
Ils auront réussi à tuer l’EBD 2.0 !
La FSDL ne sait pas lire…
Ce n’est pas parce qu’on la répète à l’envi qu’une information fausse devient une information vraie ! C’est ce que l’on appelle en psychologie cognitive « l’effet de vérité illusoire ».
La FSDL déclare à qui veut bien l’entendre que c’est la signature de l’avenant 1 à la convention qui est à l’origine d’un tiers payant partagé AMO-AMC. Bien entendu, lorsqu’on la met au défi d’en faire la preuve dans le texte dudit avenant, pas de réponse. Et pour cause…
Alors ils rebondissent en expliquant que « l’avenant 1 traitant de l’EBD, il ne fallait pas le signer ! »
Pour rappel, les articles traitant de l’EBD sont les suivants :
Article 1er – Modification de l’âge des bénéficiaires des soins dispensés à la cohorte de la « génération sans carie » et extension de la prise en charge du vernis fluoré et de la majoration des soins conservateurs aux patients âgés de 1 à 3 ans.
Article 2 – Modification des règles de cumul d’actes pouvant être réalisés dans le cadre de l’EBD.
Article 3 – Distinction des soins complémentaires et consécutifs de l’EBD précisant que « les patients bénéficient d’une dispense d’avance de frais lorsque ces soins sont réalisés dans un délai de 6 mois suivant la date de l’examen de prévention bucco-dentaire et, en conséquence, les chirurgiens-dentistes bénéficient d’une garantie de paiement ».
C’est la garantie de paiement qui est ici rappelée et qui confirme tout simplement la convention, celle-là même qui a été signée par la FSDL.
Alors dans un dernier élan de désinformation, elle prétexte que l’avenant 2 reporte de 6 mois l’application du tiers payant. C’est vrai. Mais cet avenant ne traite pas de « qui paie quoi ».
Encore une fois la convention ne dit rien d’autre que :
« Afin d’assurer le recours annuel aux examens bucco-dentaires et aux soins complémentaires, les partenaires conventionnels s’engagent à définir et proposer les solutions permettant de garantir une dispense d’avance de frais pour les bénéficiaires, une absence de reste à charge, pour les bénéficiaires et une garantie de paiement pour les chirurgiens-dentistes ».