C’est à la fois dramatique et pathognomonique d’une administration qui, n’ayant plus de véritable projet à la hauteur de la mission , patauge dans le vide.
C’était inédit, ce jeudi 3 octobre. Des praticiens-conseils en grève et qui manifestaient devant les caisses d’Assurance maladie !
À Orléans, Strasbourg, Toulouse, Montpellier, Paris… les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et les agents administratifs du service médical des caisses étaient tous mobilisés, contre la direction de la caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) qui a décidé de supprimer purement et simplement, le service médical et de « transférer » les professionnels médicaux et leurs équipes administratives sous l’autorité des caisses primaires.
Depuis août 19671, la modernisation de la Sécurité sociale reposait sur une organisation administrative et financière garantissant une autonomie du service médical des caisses. Avec ses 16 directions régionales et ses 100 échelons locaux, relevant tous de la caisse nationale, ses praticiens-conseils avaient leur indépendance médicale garantie, ce qui leur permettait de protéger le secret médical de chaque assuré social.
La direction de la CNAM fait voler en éclat cette organisation, sans la moindre justification prospective, sans aucune étude préalable de son intérêt ou de ses conséquences et, surtout, sans la moindre critique sur le fonctionnement d’un service quia prouvé son efficacité depuis des décennies. Un service qui souvent a été notre adversaire lorsque nous défendions face à lui les droits des praticiens.
Il est difficile de savoir qui est vraiment l’architecte de cette « avancée » dans la gestion de l’Assurance maladie. On peut parier que, comme tous les ans à l’occasion du débat parlementaire sur le budget de la sécurité sociale, la « gouvernance » de la CNAM s’agite et entend faire parler de son zèle. Elle balaie d’un revers de main toute la culture médico-sociale qui a fondé la sécurité sociale et exclut de toute vision large, la place d’un service médical puissant et autonome au cœur de l’Assurance maladie. La dimension morale de l’exercice médical lui échappe ou alors, elle a décidé de l’ignorer.
C’est à la fois dramatique et pathognomonique d’une administration qui, n’ayant plus de véritable projet à la hauteur de la mission qui lui est confiée, patauge dans le vide et, ce faisant, détruit ce qui a été solidement bâti.
Sans vision, en attaquant son propre service médical pour le réduire à un groupe d’agents soumis à des objectifs non médicaux, en menaçant ainsi le droit fondamental de chaque assuré social à la protection de ses données de santé, la CNAM perd de vue ce qui l’a fondée en propre.
On se demande bien au profit de quels enjeux ? Pour le moment, ces enjeux demeurent obscurs et on peut parier qu’ils n’ont rien à voir avec le bien-fondé social et historique qui a amené l’organisation actuelle de l’Assurance maladie.
Oui, on détruit sans justification ce qui a été solidement bâti. Ainsi avance le désert managérial.
Marc Sabek
1er Vice-président
- Ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967