À l’heure du premier bilan du déploiement du double tiers-payant AMO-AMC sur l’EBD et les soins complémentaires et consécutifs, les difficultés et les écueils annoncés se confirment et mettent à mal les annonces très optimistes de l’InterAMC entendues jusqu’alors. Les CDF ont renouvelé leurs exigences et leur souhait d’un payeur unique.

Si 18 175 praticiens libéraux, et 1 294 centres de santé, ont facturé au moins un EBD entre le 1er avril et le 13 mai dernier, le total des EBD portés au paiement AMO pour cette période ne s’élève qu’à un peu plus de 140 000. Pour les 2/3 de ces EBD, la saisie des résultats a été effectuée sur Ameli pro conformément aux dispositions prises, rendant cette saisie facultative jusqu’au 1er juillet prochain. On notera que selon l’Assurance maladie, plus de 4 000 rejets de paiement ont déjà été dénombrés pour la seule partie en tiers-payant AMO. Du côté de l’InterAMC, on observe que 18 000 contrats de tiers-payant AMC sur l’EBD ont été signés, soit 40 % des chirurgiensdentistes libéraux et 100 % des centres de santé. Mais, fait plus marquant, seuls 60 000 EBD ont été adressés en tiers-payant aux complémentaires sur la même période, pour un taux de rejet officiel de 12 % !

Usine à gaz

Ces chiffres mettent en évidence les grandes difficultés de mise en oeuvre et la véritable usine à gaz que constitue le double tiers-payant AMO-AMC. Non seulement le nombre d’EBD facturés est très faible en regard de la cible que compose l’ensemble des 3-24 ans, soit plus de 20 millions de jeunes patients pouvant bénéficier d’un EBD annuel, mais le tiers-payant AMC semble confirmer tous les doutes qui se portaient sur sa capacité à assurer la garantie de paiement, intégralement due à tous les praticiens qui en font usage dans le cadre conventionnel. Les témoignages de ceux qui ont tenté l’aventure du double tiers-payant sur l’EBD et les soins associés commencent à s’accumuler. Si d’aucuns, à placer parmi les praticiens équipés d’un logiciel métier d’ores et déjà compatible avec le tiers-payant EBD, et dotés de la détermination et de la persévérance nécessaires, semblent avoir réussi à facturer EBD et soins associés par une FSE et une DRE (demande de remboursement électronique), à destination respective de l’AMO et de l’AMC, bien peu sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir reçu le paiement systématique, sans bug et dans les délais impartis, des sommes dues pour la partie complémentaire ! D’autres, beaucoup moins heureux dans leur démarche, auront constaté un nombre de « non-paiements » sur la part complémentaire, bien supérieur aux 12 % de « rejets officiels » revendiqués par l’InterAMC, ainsi que de très larges difficultés dans le remplissage des données relatives aux droits complémentaires du patient, même avec l’usage des QR codes (ou Datamatrix) portés sur les cartes d’adhérents mutualistes.

Échecs à répétitions

Les raisons de ces échecs de tiers-payant sur la part complémentaire sont nombreuses. La majeure partie d’entre elles est intrinsèque au dispositif technique de tiers-payant imposé par l’InterAMC, dont toutes les complémentaires membres n’étaient, et ne sont toujours pas à ce jour, en situation d’intégration et de maîtrise complète. On citera ici, en exemple, les défauts d’inscription dans « l’annuaire » et « les tables de convention » des adresses de routage des DRE par les complé – mentaires elles-mêmes, appartenant pourtant à l’Inter AMC ! Un comble en matière de préparation logistique et technique pour un dispositif différé de 3 mois du 1er janvier au 1er avril, en raison de l’absence des dispositions législatives nécessaires. L’InterAMC qui semble néanmoins avoir pris conscience de ses respon – sabilités, a formulé lors d’une récente réunion une série d’engagements visant à corriger les principaux griefs portés à son encontre. Ils ont notamment pour objectif « d’améliorer et defluidifier la pratique du tiers-payant AMC » pour l’EBD. Ils seront jugés dans les faits dès les prochaines semaines. Les exigences des CDF Du côté de l’UNCAM, on indique que les complémentaires santé qui ne sont pas membres de l’association Inter-AMC (et pour lesquelles le dispositif de tiers-payant est donc inapplicable) sont supposées ne représenter qu’une très faible part de la population des 3-24 ans. Mais l’Unocam et la direction de la Sécurité sociale (ministère de la Santé) seront saisies afin de trouver une solution pour les assurés adhérents à ces organismes. De plus « l’industrialisation » de la gestion des réclamations sur les parts complémentaires non réglées aux chirurgiens-dentistes sera examinée prochainement avec les éditeurs de logiciels. Un bilan sera donc fait sur l’état d’avancement de l’intégration logicielle du téléservice de saisie qui est pour l’instant disponible seulement sur amelipro. Les CDF ont exigé que la date butoir à partir de laquelle la saisie des résultats de l’EBD deviendra obligatoire, aujourd’hui fixée au 30 juin 2025, soit reportée. La même exigence a été formulée par les CDF concernant la campagne de communication grand public sur l’EBD, prévue à compter de septembre 2025. Il serait inconcevable de placer en porte-à-faux des milliers de praticiens vis-à-vis de leurs patients âgés de 3 à 24 ans, en vantant médiatiquement les mérites d’un examen de prévention « offert » et/ou « gratuit » (sic) si l’ensemble du dispositif n’a pas atteint l’exigence de la garantie de paiement prévue par le texte conventionnel.

La solution : le payeur unique

Tout cela met une nouvelle fois en lumière qu’un dispositif de prévention tel que l’EBD, conforme aux objectifs définis pour une « génération sans carie », mérite un système de dispense d’avance de frais éprouvé et efficace, à l’instar de celui du payeur unique AMO tel que pratiqué dans le cadre de la C2S. Afin de garantir à tous les jeunes patients de 3 à 24 ans, quels que soit leur statut et leurs droits vis-à-vis d’une complémentaire santé, un égal et universel accès à cet examen de prévention, les CDF ont toujours affirmé que le payeur unique AMO était la seule véritable solution. En dépit de tous leurs avertissements et des mesures adéquates, on ne peut que constater que les objectifs conventionnels de prévention en santé orale ont été gravement amputés par un dispositif de tiers-payant complémentaire inadapté au secteur dentaire, encore aggravés par son impréparation technique.

Pierre-Olivier Donnat

PRÉSIDENT DES CDF

Politique

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