Notre profession évolue à une vitesse inédite. Les matériaux progressent, les technologies bouleversent nos pratiques, les connaissances médicales s’affinent, et celles-ci introduisent en permanence de nouvelles données susceptibles d’éclairer ou de remettre en question nos certitudes. Dans ce contexte, se tenir informé ne constitue pas seulement un moyen d’assouvir sa curiosité : c’est une exigence déontologique et scientifique.
Passer de l’« eminence-biaised dentistry » à l’« evidence-based dentistry »
La chirurgie dentaire, longtemps guidée par l’expérience, parfois sclérosée dans des positions dogmatiques, s’inscrit désormais dans une dynamique fondée sur la preuve. Les décisions thérapeutiques ne peuvent plus reposer uniquement sur l’habitude ou le « bon sens ». Elles doivent s’appuyer sur des données actualisées, validées, comparées et hiérarchisées selon leur niveau de preuve. C’est ce que la médecine fondée sur les preuves – ou evidence-based dentistry – nous invite à cultiver : un raisonnement critique, rigoureux et nuancé, au service de la pertinence thérapeutique.
Et c’est ce regard critique nourri de nos connaissances initiales et de notre soif de savoir qui doit guider nos voyages à travers nos lectures. Il ne s’agit pas d’accumuler des articles ou collectionner des références. La lecture critique est un exercice intellectuel qui nous confronte à la complexité du réel, à la pluralité des méthodologies et parfois aux contradictions inhérentes à la recherche. C’est apprendre à distinguer le fait établi de l’hypothèse séduisante, le résultat robuste de la conclusion hâtive. En somme, c’est exercer notre esprit scientifique autant que notre art de soigner.
Dans une société où la transparence, la justification et l’évaluation des actes médicaux deviennent des exigences sociales et institutionnelles, le chirurgien-dentiste doit pouvoir argumenter ses choix thérapeutiques. Non par autorité, mais par rigueur. Non par habitude, mais par compréhension. Cette évolution ne diminue en rien la dimension humaine et manuelle de notre métier ; elle la renforce, en plaçant la science au service du soin, et non l’inverse.
La lecture scientifique, loin d’être réservée à quelques universitaires, est un outil de réflexion pour tous. Elle alimente la curiosité, stimule l’innovation, et permet à chacun de replacer son geste quotidien dans un cadre plus large : celui du progrès collectif de la profession. Chaque article lu, discuté, questionné, contribue à élever notre pratique et à maintenir ce lien essentiel entre recherche et terrain clinique.
Ce numéro scientifique est une invitation à renouer avec cette démarche : lire, comprendre, questionner, parfois douter, toujours apprendre. Car si la technique peut s’enseigner, la pensée critique, elle, se cultive. Et c’est sans doute là, dans cette culture partagée du savoir, que réside l’avenir de notre profession.