Inutile de dire que la plupart des chirurgiens-dentistes ne peuvent pas s’offrir le luxe de cette complexité administrative.
Dans le célèbre film de Marcel Pagnol, le réalisateur se joue du malheureux jobard qui se croit artiste. « Vous signez ici, ici, et là. Et là, c’est pour le cachet. Non, pas le cachet d’aspirine, le cachet postal ! »
Des cachets d’aspirine, nous allons devoir en avaler, s’il fallait signer ce contrat de l’inter-AMC, proposé pour mettre en application l’examen bucco-dentaire (EBD) à compter du 1er avril prochain. À cette date, la nouvelle version de cet examen sera opérationnelle, mais en abandonnant le tiers payant unique actuellement en vigueur, pour le remplacer par deux tiers payants !
Le plus simple, le plus efficace, le plus logique, le plus économique, le plus rassurant pour que les praticiens s’investissent massivement et assurent le succès de la « Génération sans carie », c’eut été d’utiliser le tiers payant coordonné avec un seul payeur, l’Assurance maladie obligatoire (AMO), comme c’est le cas pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire.
Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Plutôt qu’un seul payeur, solution transparente et économique, on passe à deux payeurs, un système plus lourd, plus coûteux, plus complexe, plus opaque. Le premier payeur est toujours l’Assurance maladie obligatoire pour les 60 % des honoraires. Et, pour les 40 % restants, un 2e payeur qui n’est pas tou-jours le même. Il sera l’une des centaines de complémentaires affiliées à l’association Inter-AMC.
Le tiers payant de l’AMO est garanti par la loi sous peine d’une pénalité que la CPAM verse au praticien si le paiement n’est pas fait sous 7 jours.
Alors que le contrat de l’AMC ne prévoit aucune pénalité de retard et la garantie de paiement serait possible, au jour le jour, en consultant le service en ligne (dit IDB/CLC), auquel toutes les complémentaires devraient adhérer d’ici à fin décembre 2027. En pratique, et s’il y a une série de soins consécutifs à l’EBD, la seule garantie de paiement serait la carte papier du patient que le praticien doit vérifier et dont il doit garder une copie pour pouvoir réclamer ses honoraires si la complémentaire est défaillante. Il doit vérifier que la complémentaire du patient est adhérente au dispositif, mais dans le cas contraire, il n’a pas de solution alternative ! Il doit accepter l’insécurité des paiements, les AMC pouvant lui demander un remboursement d’indus plus de cinq après la connaissance du paiement. Il doit accepter de communiquer des documents à la demande de la complémentaire sans que le contrat précise de quels documents il s’agit, etc. Et dans tout cela, il est seul face aux assurances complémentaires. Aucune instance paritaire, aucun groupe de médiation ne peut lui venir en aide s’il rencontre des difficultés dans l’application de ce contrat.
Inutile de dire que la plupart des chirurgiens- dentistes ne peuvent pas s’offrir le luxe de cette nouvelle complexité administrative. Pour beaucoup, ce sera comme dans Ubu Roi où le personnage venu lui réclamer son dû est découragé par la bureaucratie absurde d’Ubu. Il finit par renoncer à son argent !