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Parole de Sénateur

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18.09.24
Après 18 années d’omnipratique libérale dans l’un des plus beaux villages de France, Raphaël Daubet siège depuis 2023 dans l’un des plus beaux palais de la République : le Sénat. Membre de la commission des finances, il donne sa vision de l’évolution de l’enseignement de la chirurgie dentaire.

CDF Mag : Dans quelle faculté avez-vous obtenu votre diplôme de chirurgien-dentiste ? Et en quelle année ? 

Raphaël Daubet : J’ai obtenu mon diplôme à la faculté de Bordeaux, en 2004 après avoir soutenu ma thèse dont le sujet était « l’exercice de la chirurgie dentaire : une approche par les sciences sociales ». Je manifestais déjà, lors de mes études, un intérêt pour les enjeux de société et les questions de santé publique. 

Quel a été votre exercice et exercez-vous encore ? 

R. D. : L’omnipratique et l’implantologie. J’ai exercé en libéral, comme collaborateur dans un premier temps, puis je me suis associé en janvier 2005 jusqu’en septembre 2023. Je n’exerce plus aujourd’hui, ma fonction de sénateur ne me le permettant pas. 

Où étiez-vous installé ? 

R. D. : J’étais installé à Martel, la commune dont j’ai été le maire, située en zone rurale. C’est un village classé parmi les plus beaux villages de France de 1 700 habitants. 

Étiez-vous en cabinet libéral seul ou en association ? 

R. D. : En association, au sein d’une SCM, avec deux associés chirurgiens-dentistes, en SCI avec un prothésiste qui avait établi son laboratoire à l’étage du cabinet. Je disposais d’une assistante dentaire, d’une secrétaire et d’un fauteuil.

Depuis votre sortie de l’université avez-vous suivi une formation continue délivrée par l’université ? 

R. D. : Cela m’est arrivé, mais les universités étant très éloignées de mon département, j’ai plus souvent eu recours à des acteurs privés. Je pense que l’Université devrait réfléchir à des politiques innovantes d’aménagement du territoire. Elle a un rôle majeur à jouer pour sortir des métropoles et aller au contact des populations et des départements ruraux. Il nous faut inventer une forme de décentralisation régionale qui serait profitable à tout le monde. 

La formation continue des praticiens doit-elle être un champ réservé à l’université ou existe-t-il une place pour des acteurs privés ? 

R. D. : Pour moi, les deux sont complémentaires. 

Avez-vous dispensé des cours à l’université ? 

R. D. : Non. J’aurais bien aimé ! 

Êtes-vous favorable à la création de nouvelles spécialités en odontologie ? R1C, R2C, R3C ? 

R. D. : Oui j’y suis favorable, pour répondre aux besoins spécifiques des patients. La chirurgie dentaire a vocation, comme toute discipline médicale, à gagner en technicité et en compétence. Cela passe forcément par une forme de spécialisation. D’ailleurs, l’histoire de notre discipline parle d’elle-même : c’est une marche infatigable vers le progrès. Cependant, tout l’enjeu est de ne pas fragiliser l’omnipratique. Nous avons besoin d’omnipraticiens sur tout le territoire. 

Comment équilibrer la démographie des chirurgiens-dentistes entre omnipraticiens et spécialistes ? 

R. D. : Une vraie réforme universitaire pourrait apporter une première réponse, mais elle ne sera pas suffisante. Il faut réfléchir à d’autres dispositifs, de préférence incitatifs pour équilibrer la démographie médicale en général. 

Y a-t-il une place pour l’enseignement privé en France ? 

R. D. : Je n’y suis pas favorable. Hormis pour la formation continue. Nous devons prioritairement renforcer l’enseignement public, qui a l’avantage d’offrir des standards de qualité, un accès à l’enseignement équitable pour tous les étudiants indépendamment de leur milieu social, et quasi gratuit. Aujourd’hui beaucoup de jeunes de familles aisées partent se former à l’étranger, au prix fort. On ferme les yeux sur cette forme d’injustice parce qu’elle se passe au-delà de nos frontières nationales. C’est problématique. Nous devons interroger la capacité de notre nation à former les soignants dont elle a besoin. C’est un enjeu de souveraineté. Je salue le travail qui a été fait par le Conseil de l’Ordre à ce sujet, au sein de la conférence nationale. Je souscris à l’idée d’une « réinternalisation » de la formation en France. Des initiatives locales peuvent aussi être mises en place pour les plus jeunes. À titre d’exemple, lorsque j’étais président de communauté de communes, dans le nord du Lot, nous avons initié une option santé, au sein d’un lycée public, gratuite et accessible à tous. Son objectif est d’inciter les jeunes, issus de territoires ruraux, à faire des études de médecine, dans l’espoir qu’ils reviennent s’installer sur leur terre natale. Véritable réussite, le dispositif s’est étendu à plusieurs lycées d’Occitanie. 

L’enseignement français forme-t-il assez pour l’exercice libéral ? 

R. D. : Je le crois. Au demeurant, peut-être pourrait-il insister davantage sur l’organisation et la gestion financière, administrative d’un cabinet médical. 

Faut-il réformer l’enseignement odontologique en France et si oui… quelle réforme faut-il faire ? 

R. D. : Nous avons un excellent niveau de formation, qui n’a jamais cessé de se développer. Les enseignements de base doivent continuer à intégrer les innovations technologiques, le numérique, la prévention, etc. Les réformes de 1994 et de 2011 ont contribué à renforcer la qualité de cette formation. Le 3e cycle doit continuer à évoluer aussi. J’alerte sur l’importance qu’il y a à développer l’enseignement de l’implantologie et de la parodontologie dans la formation initiale pour les démocratiser au maximum, au service des patients. Pour les cas simples, ces disciplines relèvent de l’omnipratique désormais. Empêcher l’instauration d’une médecine à deux vitesses, c’est aussi une responsabilité de l’Université. 

Le stage actif manque de maîtres de stage… quelle solution préconisez-vous ? 

R. D. : Je suis favorable à l’idée de créer un corps de « Maître de stage universitaire », avec des incitations financières et professionnelles. La fonction mérite d’être reconnue. 

L’IA, le numérique en général s’invite de plus en plus dans les cabinets… Quels moyens faut-il dégager pour rester à la pointe des nouveautés et des savoirs ? 

R. D. : Des moyens de recherches publique et privée pour développer les technologies, des moyens pour la formation des praticiens, et bien sûr des moyens pour que le système de santé, sécurité sociale et mutuelles, puissent reconnaître et rembourser les actes nouveaux, dès lors qu’ils sont conformes aux données acquises de la science. La dynamique de l’odontologie doit être prise en compte au même titre que toutes les spécialités médicales. C’est une évolution globale que la société doit accompagner, parce que la finalité n’est autre que l’amélioration de la vie humaine. 

Que pensez-vous de l’évolution du métier d’assistant dentaire ? 

R. D. : Pour moi, ce métier est devenu absolument stratégique pour l’avenir de notre profession. Il appelle une plus grande spécialisation et des responsabilités élargies. Le statut juridique des assistant(e)s dentaires a évolué, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir à mon sens, pour délivrer une formation adaptée et valoriser leur statut professionnel. Nous ne devons sous-estimer ni l’importance de ces auxiliaires, ni les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien dans leur métier. 

Fin du numerus clausus, ouverture de nouvelles facultés, ces réponses ont-elles eu l’impact nécessaire pour éviter la « fuite » des étudiants ? 

R. D. : À l’évidence, non. Les résultats de la réforme PASS L.ASS, avec du recul, ne sont pas bons. La concurrence européenne se déchaîne. L’ouvrage doit être remis sur le métier. Avec énergie et courage. 

L’excellence de la formation universitaire française n’est-elle pas mise à mal par les autres diplômes européens ? 

R. D. : Elle reste reconnue pour sa rigueur et sa qualité. Pour maintenir cette excellence, il faut continuer à innover, à investir dans la recherche et à s’assurer que les programmes de formation répondent aux standards internationaux les plus élevés. 

L’équivalence automatique des diplômes européens est-elle à remettre en question ? 

R. D. : Le repli nationaliste n’est pas la bonne solution. On a besoin d’une Europe de la recherche, de l’enseignement supérieur, de la santé. Il faut travailler d’arrache-pied à coopérer, à harmoniser nos diplômes et nos recrutements, à trouver des solutions collectives. Cela relève d’un effort diplomatique entre le monde universitaire et les instances nationales et européennes. 

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