Quelles sont vos ambitions en tant que nouveau président du Comident ?
Olivier Lafarge : Les défis auxquels sont confrontées les industries du secteur bucco-dentaire sont nombreux, que ce soit en matière d’innovation et de R&D, de sécurité et de qualité des soins ou encore, de santé environnementale. C’est la raison pour laquelle nous poursuivons la mise en oeuvre de notre feuille de route lancée il y a trois ans. Celle-ci comprend plusieurs chantiers dont celui de renforcer nos services et nos accompagnements éthique, juridique et économique à destination de nos quelque 160 entreprises adhérentes(1). Nous avons d’ailleurs créé de nouvelles commissions dédiées à l’innovation et la RSE, thématiques auxquelles les acteurs du dentaire sont de plus en plus sensibles. Nous travaillons également avec la Fédération française des industries de santé (FEFIS) sur le sujet de la décarbonation de la filière pour identifier ce que nous pouvons optimiser en matière de fabrication, de transport… Se pose également la question de l’amalgame ou encore du cobalt chrome, qui seront progressivement interdits. Autre chantier majeur pour nous : oeuvrer pour une stratégie nationale en santé bucco-dentaire.
Comment vous mobilisez-vous sur ce point ?
O.L. : Nous ne sommes pas les seuls à le dire : une personne ne peut pas être en bonne santé si elle n’a pas une bonne santé bucco-dentaire. Nous portons ainsi nos messages auprès des parlementaires, des cabinets ministériels… et travaillons de concert avec l’ensemble des parties prenantes – l’ADF, l’UFSBD, l’Ordre, les syndicats, etc. – pour promouvoir en France une véritable politique publique dédiée à moyen et long terme. C’est un enjeu à la fois sanitaire et économique. Une étude que nous avons commandée avec l’ADF au cabinet Astérès et dévoilée fin mai, estime qu’une meilleure prévention et un meilleur traitement des maladies parodontales permettraient en France, d’économiser jusqu’à 807 millions d’euros par an. Pour ce faire, il faut, par exemple(2), réduire les risques de complications du diabète et ceux de contracter une maladie cardiovasculaire ou rénale. Nous avons également lancé avec l’ADF en juin 2023, une plateforme en ligne destinée à recueillir les contributions de tous ceux qui souhaitaient partager leurs constats, leurs réflexions, leurs problématiques ou leurs propositions(3).
La mise en conformité à la nouvelle règlementation européenne(4) des dispositifs médicaux existants comme futurs constitue un véritable défi pour les entreprises et suscite des craintes de la part des patients et des praticiens. Pouvez-vous nous faire un point de situation ?
O.L. : Cette règlementation offre un niveau encore plus élevé de protection aux patients et professionnels en renforçant les exigences pesant sur les opérateurs économiques – dont les fabricants et distributeurs – en matière de qualité et de sécurité. C’est une bonne chose, mais la mise en conformité des dispositifs médicaux est un défi élevé. Elle est chronophage et largement dépendante des délais d’évaluation par les organismes indépendants de certification lesquels, peu nombreux, croulent sous les demandes de dépôts de dossiers techniques. En moyenne, 18 à 24 mois s’avèrent nécessaires pour les examiner. Cette mise en conformité est également coûteuse tant en ressources financières qu’humaines. La plupart des entreprises étant de petite taille, notre enjeu est de les accompagner au moyen de webinaires, de veilles, d’une permanence juridique voire de consultants spécialisés afin qu’elles puissent maintenir leurs dispositifs sur le marché et en proposer de nouveaux. Quoi qu’il en soit, s’il existe un risque de voir disparaître de petits acteurs qui ne pourront intégrer les coûts de mise en conformité, il n’y a pas, dans notre secteur, de risque de pénurie ou de rupture d’approvisionnement car de multiples gammes, pouvant se substituer les unes aux autres existent.
Le numérique prend une part de plus en plus importante dans la pratique des chirurgiens- dentistes. Menez-vous des travaux sur ce sujet ?
O.L. : Là encore nous réfléchissons à la meilleure manière d’accompagner nos adhérents, mais également l’ensemble de l’écosystème, sur le développement, l’appropriation du cadre règlementaire et l’utilisation des solutions numériques. Il ne faut pas oublier que la tendance est au « full digital » dans les cabinets et au recours à l’intelligence artificielle. Et puisque nous parlons de numérique… j’ajouterai qu’il existe aujourd’hui de nombreuses plateformes web d’approvisionnement en produits dentaires aux pratiques douteuses. De nombreuses contrefaçons y sont proposées à la vente et la traçabilité des produits et matériels n’est pas garantie. Nous rappelons l’importance de bien vérifier la provenance des produits avant leur achat et de se méfier des produits proposés à des prix très, voire trop attractifs.