Les soins les plus durables sont ceux qui ne sont pas réalisés… Mieux soigner commence donc parmieux prévenir, c’est-à-dire appréhender les risques, les anticiper et les éviter par la mise en œuvre d’une stratégie socio-comportementale, prophylactique et même thérapeutique quand nécessaire. L’absence d’un état des lieux précis de la santé orale de la population française prive d’une analyse fine et empêche de déterminer précisément les besoins. En attendant, l’évaluation des risques, pour les différentes tranches d’âges, ne peut se faire qu’à la lumière de l’expérience clinique et de la littérature scientifique.
Aujourd’hui, 20 millions de Français ont moins de 25 ans soit près d’un tiers de la population française. Ils doivent être la cible d’une politique de prévention primaire efficace. Pour les plus de 65 ans, soit près d’un cinquième de la population, l’évolution physiologique entraîne une hyposialie croissante, accentuée par les médications et certaines pathologies. Il convient d’éviter l’aggravation de leur état de santé bucco-dentaire et parallèlement, de contribuer à l’amélioration de leur qualité de vie.
Quant aux classes d’âge intermédiaires, de 25 à 64 ans, elles représentent environ la moitié de la population totale. Elles sont sujettes au développement des maladies parodontales aggravées par le tabac, l’alcool, le stress ou les contraintes de la vie qui font oublier les bons gestes d’hygiène.
Préventions primaire, secondaire et tertiaire
Les pouvoirs publics, en amont des professionnels de santé, doivent mettre l’accent sur l’accompagnement comportemental en matière d’hygiène alimentaire et d’hygiène bucco-dentaire afin que la santé de la population ne se dégrade pas et qu’une diminution progressive du recours aux soins curatifs apparaisse. La mise en œuvre d’une telle politique de prévention sur la santé dentaire aura de sur-croît un effet positif sur la diminution du risque de diabète, d’obésité et de maladies cardio-vasculaires.
Pour atteindre ces objectifs, l’approche populationnelle, privilégiée par l’Assurance maladie avec la cohorte « 3-24ans », doit être combinée à l’application des préventions primaire, secondaire et tertiaire (voir encadré) qui accompagnent l’évolution physiologique de la population.
Les bons mots pour prévenir !
Pour appuyer la prise en charge complète des risques carieux et érosif par le chirurgien-dentiste, il convient que la communication dénonce la malbouffe, le grignotage, les dangers des boissons sucrées, acides et érosives (…) et soit accompagnée en milieu scolaire d’une prise de conscience de l’hygiène bucco-dentaire. De même, une réflexion sur la taxation des produits alimentaires les plus néfastes pour la santé doit être véritablement menée pour une prévention globale de la population.
0-24 ans
Pour la population la plus jeune (0 à 24 ans) ayant eu recours aux soins dentaires, l’objectif sera de maintenir un état de santé bucco-dentaire stable, tout en l’accompagnant avec des mesures préventives d’éducation à la santé (alimentation, contrôle de plaque) ou prévento-curatives telles que la fluoration (application topique de vernis fluorés et prescription d’une pâte dentifrice fluorée adaptée) et les interventions minimales précoces par scellements préventifs, infiltration / scellements thérapeutiques.
25-64 ans
Pour les tranches 25-64, l’objectif de prévention est de maintenir l’organe dentaire dans un état sain et de lutter contre sa dégradation lorsque celui-ci a été préalablement affecté. Les choix thérapeutiques seront alors orientés vers la réparation des restaurations existantes, et pour les dents les plus délabrées, le recouvrement total dès qu’il est indiqué.
Afin de répondre à la nécessaire pertinence des choix thérapeutiques, il conviendra d’accompagner le développement professionnel continu des chirurgiens-dentistes sur le dépistage et le diagnostic des stades de développement de la maladie carieuse (4D, ICDAS/ICCMS…) et de son traitement. La formation sur ces thérapeutiques doit s’accompagner d’une revalorisation des actes d’intervention minimale pour inciter les chirurgiens-dentistes à les pratiquer. Il s’agira de :
- l’interception et le scellement thérapeutique des lésions débutantes ;
- les restaurations directes qui constituent le premier recours de l’arsenal thérapeutique « invasif » et permettent de traiter la majorité des atteintes de l’organe dentaire. Si leur fiabilité à long terme n’est plus à démontrer, seule leur mise en œuvre rigoureuse (isolation, gestion des lésions profondes, gestion des zones de contact, finition) est garante de leur efficacité ;
- les réparations des restaurations existantes : elles permettent, lorsque le renouvellement total n’est pas indiqué, en reprenant et en étanchéifiant les marges des restaurations ou en reconstituant les portions affaiblies de celles-ci, de maintenir la dent sur l’arcade tout en préservant au maximum les tissus dentaires. Elles montrent par ailleurs un taux d’échec annuel et un taux de survie équivalents aux restaurations de première intention ;
- les restaurations intermédiaires (onlay) doivent faire l’objet d’une indication thérapeutique stricte basée sur l’analyse clinique de la typologie du délabrement de l’organe dentaire, sa position sur l’arcade, le contexte occlusal, les risques carieux, parodontal et érosif individuels et la fiabilité du contrôle de plaque ainsi que le suivi bucco-dentaire. Elles sont à privilégier pour les restaurations de grande étendue incluant les zones de contact et une grande partie de la morphologie occlusale ;
- les restaurations totales de la surface occlusale (parcollage ou par scellement) sont indiquées lorsque la résistance mécanique intrinsèque de la dent concernée est insuffisante (restaurations multiples), pour la prévention de la propagation des fissures/fêlures/fractures et pour la protection des zones à risque lorsque le contexte est défavorable (exposition des racines de dents fragiles et risque carieux élevé).
Le praticien doit aussi avoir pour mission de surveiller l’évolution de l’état de santé parodontal, en particulier compte tenu de l’augmentation des facteurs de risque : tabac, stress… Cette prévention des maladies parodontales et la réhabilitation des dents délabrées constituent les principaux moyens de lutter contre l’édentation, progressivement source de malnutrition et de perte de qualité de vie.
65 ans et plus
Pour la tranche la plus âgée de la population, le vieillissement s’accompagne généralement d’une diminution progressive de la motricité (d’où une baisse de la qualité du contrôle de plaque), d’une modification de la physiologie entraînant progressivement une hyposialie (augmentation du risque carieux), aggravée par la polymédication.
Il est donc primordial d’accompagner ces patients à différents niveaux de prise en charge :
- prévenir le risque carieux aggravé : fluoration adaptée, conseils nutritionnels, éducation au contrôle de plaque (et assistance en particulier en cas de dépendance, par les aides de vie ou en EHPAD ou EMS) ;
- renouveler les prothèses fixées existantes lorsque l’évolution de la situation clinique ne leur permettent plus de jouer leur rôle protecteur ;
- recouvrir les dents délabrées les plus exposées et prévenir la progression de l’édentation : il s’agit dans ce cas de préserver les dents sur l’arcade (par traitement et suivi parodontal + réalisation des prothèses fixées indiquées) ;
- remplacer les dents absentes et limiter la sollicitation mécanique des dents résiduelles en cas d’absence de prothèses amovibles ou de port de prothèses inadaptées.
Vers une prévention pour tous
Le recours aux approches, d’abord informatives, pédagogiques ou précoces dès l’apparition du 1er « grain de sable », puis tardivement plus invasives et éventuellement plus complexes, constitue une réelle stratégie préventive globale à tous les âges. Aujourd’hui, l’Assurance maladie a choisi de cibler les plus jeunes (3 à 24 ans, environ 25% des Français en 2024). C’est un premier pas… Pour autant, le recours aux prothèses fixées ou amovibles constitue malgré tout une stratégie de prévention (de l’édentation et de la malnutrition) chez les patients les plus âgés. C’est ce que les pouvoirs publics n’ont pas voulu entendre…
Les CDF continueront à se battre pour que les seniors accèdent plus facilement à la prothèse amovible, laissée pour compte par les financeurs et dont les tarifs sont pourtant de plus en plus déconnectés de la réalité des coûts !
Prévention I à III
Les différents niveaux de prévention sont des concepts utilisés dans le domaine de la santé publique pour décrire les approches et les stratégies visant à prévenir les maladies, les blessures et les problèmes de santé à différents stades de leur développement. Voici une brève explication de chaque niveau de prévention :
- Prévention primaire
- Prévention de l’apparition d’une maladie ou d’un problème de santé avant qu’ils ne se produisent. Cela implique souvent des interventions visant à réduire les facteurs de risque et à promouvoir des comportements sains. Par exemple, la vaccination, l’éducation à la santé, la promotion de modes de vie sains (comme une alimentation équilibrée et l’exercice physique) font partie des approches de prévention primaire.
- Prévention secondaire
- Détection et traitement précoce d’une maladie ou d’un problème de santé afin d’éviter qu’ils ne progressent ou ne causent des complications graves. Les examens de dépistage réguliers, tels que les mammographies pour le cancer du sein, les tests de dépistage du diabète, et les bilans de santé, en sont des exemples.
- Prévention tertiaire
- La prévention tertiaire vise à réduire les complications et les séquelles associées à une maladie ou à un problème de santé déjà diagnostiqués. Cela implique généralement des interventions visant à améliorer la qualité de vie et à limiter les handicaps. Par exemple, la réadaptation cardiaque, la physiothérapie pour la récupération après une blessure, et la gestion des maladies chroniques.