PLFSS 2025: le «deux poids, deux mesures» du ticket modérateur sur la prévention bucco-dentaire
A été déposé en dernière minute par le Gouvernement lors de l’examen en séance publique du PLFSS pour 2025 à l’Assemblée nationale, un amendement visant à annualiser la périodicité des examens de prévention bucco-dentaire (EBD) et à instaurer une participation à hauteur de 40% des organismes complémentaires sur ces examens qui étaient jusqu’alors financés intégralement par l’Assurance maladie obligatoire.
Alors que les députés ont rejeté le principe de hausse du ticket modérateur sur les actes des médecins, ils ont une nouvelle fois estimé que les soins dentaires ne méritaient pas le même traitement, tout en mettant en avant l’importance de la santé bucco-dentaire et la valeur ajoutée de la prévention bucco-dentaire en santé publique. Depuis 1998, le programme M’T Dents était intégralement pris en charge par l’Assurance maladie, et avait pris sa place dans le paysage préventif français.
La convention nationale 2023 organisant les rapports entre les chirurgiens-dentistes libéraux et l’Assurance maladie a fait une priorité de la Génération sans carie : il s’agit d’accompagner toute une génération à partir de l’âge d’un an par une prise en charge précoce, et d’inciter à des visites annuelles. Conformément aux dispositions conventionnelles signées en 2023, M’T Dents est ainsi annualisé entre 3 et 24 ans : cette évolution a été inscrite dans le projet de loi par voie d’amendement gouvernemental et les Chirurgiens-Dentistes de France (les CDF) s’en réjouissent.
Cet amendement gouvernemental conforte le principe de dispense d’avance de frais intégrale sur l’examen de prévention et les soins consécutifs dans les 6 mois, déjà inscrits dans la loi. Là encore, les CDF approuvent ce qui est un élément majeur d’accès aux soins de prévention.
Le dispositif de mise en œuvre du nouvel EBD est quant à lui repoussé au 1er avril 2025 au lieu du 1er janvier 2025. Ce report est dû à l’alerte des CDF sur la complexité de la mise en œuvre du transfert de financement d’une partie de la prévention bucco-dentaire vers les organismes complémentaires d’Assurance maladie (OCAM).
En effet, les logiciels métiers ne seront techniquement pas prêts pour le premier trimestre 2025. Les CDF se réjouissent de l’annonce, le mardi 5 novembre 2024, d’une phase de test du logiciel demandée par la ministre Geneviève DARRIEUSSECQ, mais resteront vigilants à un fonctionnement efficient de celui-ci pour ne pas surcharger davantage les praticiens. Ils veilleront également à la simplicité de mise en œuvre avec garantie de paiement intégrale pour les praticiens, quitte à repousser encore la date d’application, jusqu’à ce que le processus soit validé et totalement opérationnel.
Si les partenaires conventionnels ont admis le principe d’un coportage du financement de ces actes, ils avaient également affirmé que les principes de prise en charge devaient demeurer identiques, en particulier en matière de dispense d’avance de frais, de garantie de paiement et de simplicité d’utilisation. Un groupe de travail devait veiller au respect de ces principes : à ce jour, les travaux n’ont pas abouti et de nombreuses interrogations subsistent. C’est la raison pour laquelle les CDF avaient réinscrit dans l’avenant 1 à la convention, la garantie de paiement sur les actes de prévention.
Quel sera le sort de ceux qui ne sont pas couverts par une complémentaire santé ? Quels seront les moyens mis en place par les OCAM pour traiter les nombreux cas identifiés de dysfonctionnements ? Comment garantir la continuité de la prise en charge de soins consécutifs sur 6 mois alors que les droits complémentaires ne peuvent être vérifiés qu’à chaque séance ?
Les CDF exigent que le contrat individuel qui sera nécessaire pour que chaque praticien puisse être rémunéré sur la part complémentaire, soit restreint aux actes définis par la loi et la convention dentaire, et eux seuls. Si les praticiens souhaitent faire du tiers payant complémentaire sur d’autres actes, ils devront souscrire un autre contrat, hors cadre conventionnel. Les CDF seront particulièrement vigilants à ce qu’aucun patient ne subisse de reste à charge sur ces actes.
Enfin, les CDF s’interrogent à nouveau sur le « deux poids, deux mesures » du ticket modérateur qui crée une distorsion de traitement entre médecins et chirurgiens-dentistes, pourtant acteurs majeurs de santé publique.