Sans justification pédagogique claire, sans démonstration d’une valeur ajoutée significative, l’ajout d’une 7e année fera un « diplôme encore plus long » . Mais certainement pas mieux.
Marc Sabek
L’Académie nationale de médecine prône désormais de « simplifier, raccourcir, professionnaliser, humaniser » les études médicales, et d’en amputer une à deux années. Au même moment, certains responsables de facultés d’odontologie demandent l’allongement des études dentaires, les faisant passer de six à sept ans !
Avec ses six années actuelles pour former un chirurgien-dentiste, la France fait déjà figure d’exception par rapport à la norme de cinq ans observée chez nos voisins européens. L’idée d’ajouter encore une année va accentuer ce décalage qui paraît de plus en plus injustifié.
La proposition semble reposer sur l’hypothèse implicite que « plus de temps équivaut automatiquement à une meilleure formation », sans interroger en profondeur le contenu et la structure des six années actuelles.
Les débats de notre Université d’été en septembre dernier l’ont montré : l’ajout d’une 7e année aura des conséquences négatives indéniables. L’attractivité du diplôme français prendrait un coup supplémentaire. L’université française va encore perdre du terrain alors que plus de la moitié des nouveaux praticiens s’installant en France sont désormais formés hors de l’Hexagone. La charge financière et psychologique des étudiants va s’alourdir de manière non négligeable, s’y ajoute une entrée plus tardive dans la vie active. Ce sera également une année de moins à cotiser, à contribuer à l’offre de soins, etc.
L’approche pragmatique doit s’intéresser à la qualité de la formation initiale et non à la quantité, mesurée en nombre d’années. Depuis plus d’une décennie, avec d’autres maîtres de stages, nous constatons combien nos étudiants, malgré un savoir scientifique et médical bien structuré, ne sont pas préparés à l’exercice réel du métier. Toute réforme du cursus actuel devrait d’abord viser cette préparation en optimisant les contenus – notamment celui de la 6e année –, en harmonisant les programmes au niveau national et en renforçant la formation pratique.
L’Académie de médecine justifie sa proposition de raccourcissement par la nécessité de s’adapter à l’évolution rapide des sciences, aux nouvelles technologies, au besoin de compétences pratiques accrues, à une meilleure collaboration interprofessionnelle et même pour “humaniser” le parcours, reconnaissant en creux l’échec de réformes antérieures ayant parfois conduit à une fuite massive des étudiants à l’étranger. Qui peut dire qu’un tel raisonnement ne vaut pas également pour les études de chirurgie dentaire ?
Sans justification pédagogique claire, sans démonstration d’une valeur ajoutée significative, l’ajout d’une 7e année fera un « diplôme encore plus long ». Mais certainement pas mieux, ni pour les étudiants et les futurs diplômés, ni pour l’université française