Alors que le monde traverse une des crises les plus importantes du XXIe siècle, pour de multiples causes qui obligent les pays à repenser leurs fonctionnements pour répondre aux défis qui se présentent, notre pays se paye le luxe de tergiverser en renversant le gouvernement avant même qu’il ait pu agir, ne serait-ce que pour définir un budget pourtant essentiel au redressement de nos comptes déjà mal en point. Quelles images déplorables véhiculées depuis plus de deux ans, tout particulièrement depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par celles et ceux censés donner l’exemple ; locataires de la Chambre basse à qui les Français ont confié pour un temps, le pouvoir, et le devoir, de défendre les intérêts du pays. Au lieu de cela, nos concitoyens assistent médusés à des scènes surréalistes de luttes intestines, de joutes verbales d’un niveau déroutant, à des insultes de cour d’école où l’invective s’est substituée aux propositions constructives, où l’intérêt particulier prime sur le général, la tactique sur la stratégie, où la communication a inhibé tout débat, où la gesticulation a remplacé l’action, et au spectacle affligeant où certains en sont même venus aux mains. Tout cela dans un seul but : faire chuter le Gouvernement, qu’importe les conséquences.
Et la France dans tout cela ?
Elle n’est pas seule concernée par les changements structurels, ni par les réformes à entreprendre. Mais ce que d’autres ont eu le courage de faire semble impossible à réaliser chez nous, empêtrés que sont nos élus dans des postures claniques improductives. Devenu champion du monde des prélèvements fiscaux et sociaux, écrasé par une dette supérieure à 110 % de son PIB, notre pays englué dans ses contradictions donne, au-delà de nos frontières, une image dégradée par la représentation nationale. En ajoutant aux difficultés actuelles, une crise institutionnelle et politique qu’elle aurait dû savoir éviter, contribue à aggraver les problèmes d’une économie qui tourne au ralenti et enfonce encore un peu plus notre nation dans l’incertitude. L’inverse de ce qu’attendent les chefs d’entreprises petites ou grandes, pour ne citer qu’eux, qui ont besoin de clarté et de lisibilité pour investir, ce que le climat délétère actuel n’incite guère à faire.
Et les Français ?
Que pensent-ils de cette situation ? Ils ont l’impression qu’on ne s’occupe pas de leurs problèmes et assistent à un mauvais remake de la IVe République et d’un « Muppets show » de pantins incapables de se mettre d’accord sur le budget, qui déblatèrent et procrastinent jusqu’au ridicule dont on dit heureusement qu’il ne tue pas ! Ces Français qui sont aussi nos patients qui nous parlent dans nos cabinets de choses simples et de bon sens. De leur galère pour trouver un médecin, un chirurgien-dentiste, de leur pouvoir d’achat et de leurs difficultés à boucler les fins de mois. En revanche, ils ne supportent pas d’entendre « il faut écouter le peuple » et qu’on parle en leur nom. Surtout dans la cacophonie actuelle qui divise plus qu’elle ne rassemble, qui oppose plus qu’elle ne concilie ! Le peuple veut être gouverné par des commis de l’État au service du pays, pas par des irresponsables qui se gargarisent de palabres et de calculs bassement électoraux. Et dans ce qui leur est présenté, ils ne voient rien qui puisse les rassurer.
Et la Santé ?
Dans un des numéros précédents, nous souhaitions à Geneviève Darrieussecq un bail avenue Duquesne un peu plus long, étant donné le nombre de ministres qui se sont succédé en 7 ans à ce poste. À l’heure où sont écrites ces lignes nous ne savons pas si elle sera reconduite dans ses fonctions. Nous disions aussi que la Santé a, comme en d’autres domaines, un urgent besoin de lisibilité. Alors qu’en la matière les clignotants sont à l’orange foncé, le fait que les députés aient voté la censure sur le PLFSS 2025 en dit long sur l’intérêt qu’ils portent à la Santé.
Et la démocratie ?
Demos en grec ancien, désigne le peuple en tant que force collective. Or, à quoi assistons-nous ? Au paradoxe où celles et ceux censés défendre la démocratie la piétinent, en oubliant qu’un de ses fondements est la recherche de consensus entre intérêts divergents. Cette indispensable écoute et compréhension mutuelles qui permettent à chacun d’avancer vers l’autre, ne serait-ce qu’un peu, à la recherche d’une solution profitable au plus grand nombre. Au lieu de cela, nous assistons au bal des hypocrites et à la multiplication des lignes rouges à géométrie variable, où surenchère démagogique et mauvaise foi deviennent la règle et empêchent d’avancer. Avec pour horizon, un mur de blocages délétères alors que notre pays a un urgent besoin de réformes.
Et le syndicalisme ?
Ce triste spectacle politique doit amener à réfléchir sur le rôle syndical mais aussi sur notre comportement. Il n’est pas question de dénoncer le pluralisme, mais de mettre en lumière les dérives constatées depuis une vingtaine d’années. Les élections URPS inscrites dans la loi HPST de 2009 définissant la représentativité ont profondément modifié le comportement des responsables syndicaux. Les mêmes causes créant les mêmes effets, cela s’est vérifié au sein de toutes les professions de santé. Ce qui aurait dû créer une saine émulation permettant d’enrichir les débats s’est insidieusement transformé, à l’identique de ce que l’on constate dans le monde politique, en joutes stériles et infondées, aux résultats incertains en termes de solutions. Plutôt que d’émulation, s’est instaurée une concurrence syndicale avec là aussi, son lot de surenchères irréalistes afin de « gagner des suffrages et de l’audience » en s’appuyant sur la caisse de résonnance des réseaux sociaux. Tout particulièrement lors des négociations conventionnelles et à l’approche des élections. Cela a été le cas notamment, lors de la mise en place de la CCAM, du 100 % santé et de l’actuelle convention, où les critiques de ceux qui n’ont pas signé tendaient à laisser croire qu’avec eux ce serait mieux… Discours éculé aussi mensonger qu’improductif.
Nous sommes actuellement dans une période de calme relatif dans la mesure où les prochaines élections URPS se dérouleront, en principe, en 2026 et que l’ouverture des négociations conventionnelles aura lieu en 2028. Il y a fort à parier hélas, que les mauvaises habitudes resurgiront, alors que nous avons un objectif commun : faire progresser la médecine buccale dans l’intérêt des soignés et des soignants. Les débats devront donc se faire en amont sur des idées dans un climat constructif, sachant que les adversaires sont à l’extérieur de la profession et que nos querelles internes font le jeu de nos détracteurs et nous desservent.
Il en va de la crédibilité du syndicalisme, rouage essentiel de la démocratie. Ce à quoi nous assistons en ce moment est le mauvais exemple et met en danger l’un et l’autre. Puissions-nous ne pas singer la chienlit politique actuelle qui a perdu le sens de la mesure et de l’intérêt supérieur.