” Ce n’est pas la magie de Noël qui est menacée, mais la solvabilité de l’État. “
Dans Santa & Cie (A. Chabat, 2017), le brave barbu découvre, horrifié, que ses 92 000 lutins sont tous tombés malades, assommés par une mystérieuse épidémie, à trois semaines de Noël.
Au Palais Bourbon, c’est à peu près la même chose en ce moment ; on joue un conte de Noël dystopique. Les 577 lutins sont, soit grippés d’indécision, soit pris d’une frénésie normative ! Ce n’est pas la magie de Noël qui est menacée, mais la solvabilité de l’État. Et le Père Noël ne cherche pas de la vitamine C, mais 60 milliards d’euros pour éviter que le traîneau France ne s’écrase contre le mur de la dette.
Le résultat est le même dans les deux cas : Barbe blanche et Costume gris, tous deux regardent la montre avec angoisse. Le 31 décembre approche, date butoir pour livrer le « cadeau » (ou plutôt la facture) aux Français. Mais les cartons sont vides et les rennes de la majorité relative refusent de décoller, trop occupés à se mordre les jarrets.
Dans le film, Santa descend en ville pour chercher le remède et finit au commissariat, incompris. Costume gris est, lui aussi, dans une salle d’interrogatoire médiatique permanent, sommé d’avouer comment il compte boucler l’année sans faire exploser le déficit, sous l’oeil attentif de Moody’s et S&P (deux lutins planqués derrière une vitre sans tain, stylo rouge à la main). Il tente de cajoler les apothicaires de l’économie et négocie sa dose de survie budgétaire. « Bonjour, je voudrais 60 milliards d’économies, s’il vous plaît. » – « Vous avez une ordonnance ? » – « Non, attendez Ah ! ma hotte est trouée ! »
Au détour d’un bureau éclairé tard dans la nuit, un petit lutin encore optimiste persiste à croire au miracle. Il fait chauffer la machine à compromis « Et si on se parlait, juste un peu ? » Mais déjà, la sirène des plateaux télé retentit : on réclame du spectacle, pas des solutions ! Le Père Noël doit alors répliquer et promettre… Il sait que personne ne croit à ses promesses financières, les comptes publics ne sont pas des contes de Noël !
Dans Santa & Cie, le Père Noël accepte de changer, de faire confiance aux autres, réinvente son modèle économique. La solidarité d’une famille et un peu de poussière d’étoile finissent par lui sauver la mise. Une belle histoire d’adaptation et de résilience. Les lutins se réveillent, les cadeaux sont livrés.
Dans le débat budgétaire, la féerie est absente, il n’y a pas de poussière d’étoile. Le seul « miracle » attendu, c’est un 49.3, une baguette magique constitutionnelle qui permet de forcer le destin. Sauf que cette année, la baguette est fêlée. Si elle est agitée trop fort, c’est tout le Gouvernement qui risque de disparaître dans un nuage de fumée, laissant le pays sans budget, sans capitaine et sans cadeaux.
Alors, chers consoeurs, chers confrères, joyeux Noël quand même.
Et si jamais, par miracle, le budget passe avant le 25 décembre, promettez-moi une chose : ne remerciez surtout pas le Gouvernement. Ce serait trop suspect. Ce serait comme croire que le Père Noël existe vraiment… alors que l’on vient de le coffrer pour trouble à l’ordre budgétaire.