Lettre aux Chirurgiens-Dentistes
26 septembre 2025
Chères consœurs, chers confrères,
Depuis le 1er avril, notre profession expérimente en conditions réelles un nouveau dispositif de dispense d’avance de frais pour l’examen bucco-dentaire (EBD) et ses soins associés. Or, si la loi et la convention prévoient bien cette dispense d’avance de frais, aucun texte réglementaire ou conventionnel ne décrit les modalités de celle-ci. Le dispositif Inter-AMC a été imposé à la profession, sans fondement légal, comme une solution éprouvée et un passage obligé.
Six mois après son entrée en vigueur, le constat est amer : le dispositif inter-AMC multiplie les impasses techniques et administratives. Chaque jour, nous faisons face à des obstacles rédhibitoires :
- impossibilité de vérifier les droits complémentaires ;
- rejets injustifiés de facturations ;
- demandes de remboursement égarées ou non traitées ;
- cartes d’adhérents inexploitables ;
- procédures de réclamation inadaptées ou impossibles.
Conçu pour être un pilier de la prévention destinée aux jeunes de 3 à 24 ans, l’EBD 2.0 devait pourtant combiner simplicité, sécurité et efficacité avec une garantie de paiement intégral pour le praticien.
Ces dysfonctionnements ne sont pas des incidents isolés : ils sont toujours légion. Les chiffres officiels, présentés comme encourageants, ne reflètent en rien la réalité de nos cabinets. Dans de nombreux cas, les EBD facturés à l’AMO (60 %) ne sont jamais honorés de leur part complémentaire (40 %). De surcroît, la surcharge administrative de gestion de ce tiers payant a été décuplée, conduisant certains praticiens à renoncer à la perception d’une partie de leurs honoraires ou, pire encore, à renoncer à réaliser l’EBD par défaut de garantie de paiement.
Et pourtant, l’Assurance maladie vient de lancer une campagne médiatique nationale promettant aux jeunes de 3 à 24 ans un examen « offert » et « gratuit ». Cette communication, largement relayée, est en décalage flagrant avec la réalité. Elle expose les praticiens à une pression accrue des patients ou de leurs parents, persuadés d’un droit que le dispositif technique imposé à la profession, ne permet pas d’assurer.
Nous, chirurgiens-dentistes, sommes ainsi placés dans une position intenable : écartelés entre notre devoir de prévention, nos obligations déontologiques et des droits conventionnels qui ne sont pas respectés.
C’est pourquoi les Chirurgiens-Dentistes de France (Les CDF), fidèles à leur engagement en faveur de la prévention, rappellent que la seule voie efficace et fiable est celle du payeur unique : l’Assurance maladie obligatoire. C’est ce modèle qui prévaut déjà depuis 25 ans pour les patients bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (C2S).
En conséquence, nous vous appelons à pratiquer largement l’EBD mais à suspendre ou différer l’utilisation du dispositif inter-AMC et à revenir à une facturation en 100 % AMO.
Il appartiendra à l’Assurance maladie obligatoire de récupérer ensuite auprès des complémentaires ce qui lui revient, c’est-à-dire le montant du ticket modérateur de 40 % prévu par la loi pour ces actes de prévention dentaire.
Notre mission reste claire : assurer, avec la plus grande conviction et volonté, la prévention bucco-dentaire de tous les Français et en particulier celle des 3-24 ans. Cependant, nous ne pouvons accepter que cette ambition collective soit étouffée par un dispositif bancal, techniquement défaillant et juridiquement contestable.
Nous continuerons à porter cette exigence auprès des pouvoirs publics, de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et complémentaire (AMC). Votre mobilisation est indispensable pour redonner à la prévention bucco-dentaire la place qu’elle mérite : une priorité de santé publique, et non un champ d’expérimentation administrative qui détruit le temps médical du praticien.
Avec toute notre détermination syndicale.
Bien confraternellement,
Dr Pierre-Olivier Donnat
Président des CDF