Antibiorésistance : une cohérence à choisir !

9 novembre 2023
Selon l’Assurance maladie, les chirurgiens-dentistes sont à l’origine de 13 % des prescriptions d’antibiotiques et sont les 2e plus gros prescripteurs, derrière les médecins. Plusieurs études internationales révèlent que « 60 % des prescriptions mondiales des chirurgiens-dentistes sont soit inutiles, soit inadaptées », tandis que d’autres estiment que 10 millions de décès dans le monde pourraient être liés dans les prochaines années à la résistance aux antibiotiques, un nombre supérieur à ceux qui sont dus aux cancers.

Rejeter les prescriptions inutiles, tout en rédigeant de manière pertinente celles qui demeurent nécessaires, apparaît donc comme un objectif essentiel qui doit être porté par toute la profession. On saluera ici l’ensemble des initiatives professionnelles qui agissent contre l’antibiorésistance : les CDF y participent activement depuis plusieurs années.  

Seulement voilà, le slogan ultra-médiatique « les antibiotiques, c’est pas automatique » se heurte à quelques aléas touristiques et démographiques !  

En effet, on a vu apparaître dans certains territoires, parfois caractérisés par l’affluence populationnelle qu’ils génèrent en période estivale, ou par la faiblesse de leurs effectifs de chirurgiens-dentistes, des « protocoles locaux de coopération » qui permettent aux pharmaciens, ainsi qu’aux infirmiers libéraux, de prescrire selon un arbre décisionnel sommaire, un bain de bouche, un antalgique et/ou… une antibiothérapie à un patient de plus de 15 ans, présentant une douleur dentaire aigüe ! 

On notera que, dans leur sagesse, les promoteurs de ces protocoles ont prévu 2 heures de formation assurée par un chirurgien-dentiste pour ces nouveaux prescripteurs ainsi qu’une « indemnisation » d’un montant de… 25 € ! 

Dans le cadre de l’exercice coordonné et de ce protocole de coopération, nous apprenons ainsi que les examens cliniques et radiographiques pour une douleur dentaire aigüe sont inutiles, que le diagnostic différentiel entre les pathologies nécessitant ou non une antibiothérapie est superflu et que la juste indemnisation d’une telle activité doit être supérieure aux 23 € d’une consultation réalisée par un chirurgien-dentiste dans son cabinet…

Il n’y a pas pire moyen pour nous convaincre de nous investir dans la stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance de Santé Publique France que d’ouvrir de nouvelles voies de prescriptions d’antibiotiques et de demander à tous d’en faire moins ! Souvenons-nous d’Alfred de Musset : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou  fermée ». 

Pierre-Olivier Donnat

Président